Au commencement était… une nouvelle Histoire de l’humanité

Au commencement était …

Une nouvelle histoire de l’humanité

David Graeber

David Wengrow

David Greaber, décédé en 2020, était anthropologue et militant anarchiste américain, membre du syndicat Industrial Workers of the World (IWW). Son travail de chercheur et d’enseignant universitaire promeut des points de vue anarchistes du changement social vécu au jour le jour au sein des mouvements sociaux.

David Wengrow, chercheur et professeur universitaire d’archéologie à Londres, s’est penché particulièrement sur l’origine de l’écriture, l’art antique, les sociétés néolithiques et l’émergence des premiers Etats.

Dans ce livre publié en 2021, leurs auteurs, s’appuyant sur plus de dix ans de recherche, dévoilent un passé humain infiniment plus intéressant que les lectures conventionnelles. Ils permettent de déconstruire les mythes sur l’histoire de l’humanité où avec l’agriculture, les villes et la civilisation seraient nés la propriété privée, la bureaucratie, les guerres, le patriarcat et l’esclavage.

Leur témoignage de l’Histoire n’est pas cette ligne droite monolithique, incontournable et déterminée.

La question centrale d’ailleurs du débat ouvert par Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes: l’Homme est-il bon ou mauvais, n’est plus de mise.

Selon Thomas Hobbes dans Le Léviathan, l’Homme est un loup pour l’Homme. et d’après Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements des inégalités, l’Homme est bon de nature mais la société le rend mauvais.

La question du « bien » et du « mal », concepts on ne peut plus théologiques forgés de toute pièce par l’ idéologie religieuse des monothéismes, ne peut plus se transférer aux origines néolithiques de l’histoire de l’humanité.

Les recherches et découvertes archéologiques nombreuses et approfondies de nos jours remettent clairement en cause cette idée tant empreinte de religiosité.

Il y a eu au contraire régulièrement, depuis le néolithique au moins, des sociétés qui ont essayé de mettre au point des mécanismes de résistance au pouvoir.

Il est désormais acquis que l’agriculture n’a pas entraîné l’avènement de la propriété privée. Les premiers champs agricoles, ayant été choisis en fonction des crues des rivières enrichissant les sols, ne pouvaient rester sur des lieux fixes au dépend des variations géographiques des crues. Quant aux premières villes, elles ont pu fonctionner dans divers endroits de la planète selon des principes résolument égalitaires sans faire appel à de quelconques despotes, politiciens-guerriers bourrés d’ambition ou mêmes petits chefs autoritaires. Les hiérarchies sociales étaient souvent inexistantes voire inversées à chaque saison de la plaine à la montagne.

La lecture de ce livre nous fait voyager à la fois dans le temps et dans l’espace, des chasseurs cueilleurs du néolithique au XVII° siècle en passant par les premières écritures, transporté de la Mésopotamie aux Amériques du nord et du sud en passant par la Chine et l’Europe et la Russie.

Les organisations sociales, tant diverses qu’opposées, y foisonnent ainsi de pages en pages révélant des exemples multiples de systèmes surprenants. Comme des petits rois autoproclamés carnavalesques n’ayant d’autorité que sur leur proche entourage, de villes organisées avant même l’installation de l’agriculture, de communautés de chasseurs cueilleurs interdisant à celui qui a tué la bête de distribuer la nourriture ( je te nourris donc tu m’obéis) pour éviter toute culture du chef. Il y a eu bien des sociétés qui ont essayé de mettre au point des mécanismes de résistance au pouvoir.

De grandes variétés de structures politiques sont évoquées, décrivant des communautés anciennes et modernes ayant construit des infrastructures urbaines qui n’ont pas conduit mécaniquement à la perte de libertés sociales ou à la montée des élites dirigeantes, mais à des concentrations urbaines basées sur des programmes sociaux égalitaires, dépourvues souvent de temples, de palais ou d’installations de stockage central contrôlées par une administration autoritaire et dirigeante, offrant plutôt des logements de haute qualité à la grande majorité de leurs habitants

L’histoire des idées n’est bien sûr pas en reste au fil de cet ouvrage. On y découvre des preuves archéologiques du rejet conscient de l’esclavage, des discussions avec des philosophes amérindiens du XVII° siècle, comme Kandiaronk, libre penseur et humaniste ou Zilia, princesse inca, enlevée par les conquistadors espagnols, remettant en cause le système européen colonisateur économiquement inégalitaire.

Au lieu des origines de l’inégalité, les auteurs constatent plutôt que les origines des États modernes autoritaires et oligarchiques sont plus superficielles que profondes et doivent davantage à la violence coloniale qu’à l’évolution sociale.

Dans la ligne droite et déterministe des récits conventionnels, les mythes sont donc bien à déconstruire, les possibilités d’émancipation sociale pouvant ainsi être trouvées dans une compréhension plus précise de notre histoire, basée sur les preuves scientifiques historiques et archéologiques révélées au cours des dernières décennies.

N’hésitez pas à vous plonger dans ce livre tant passionnant que vertigineux.

Bonne lecture.

Laurence.

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